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I - Partitions pour Trompette

II - Modèles de Trompettes piccolo

III - Maurice André et la Trompette Piccolo

             
             

I

Partitions pour Trompette 

             
      II       

Modèles de Trompettes Piccolo


      III       

Maurice André et la Trompette Piccolo 

" C'est le succès de ma vie... "

Maurice André

*

Maurice André, le père de la trompette piccolo

par  Jan LEONTSKY

*

*

Il est inconcevable de ne pas aborder le thème de la trompette piccolo lorsqu'il s'agit de parler du génie interprétatif de Maurice André.

Ce dernier a en effet qualifié de "succès de sa vie" la mise en avant de cette petite trompette. 

Maurice André contribua à la conception d' une petite trompette aiguë, laquelle allait devenir son instrument de prédilection. C'est en 1959 que Selmer mit au point cet instrument étrange pour lequel on ne connaissait pas vraiment de répertoire. Selmer s'inspira d'une trompette allemande, et non d'une Couesnon, ainsi que le rapporte Maurice. Par la suite, de nombreuses améliorations techniques (dont l'adjonction d'un quatrième piston essentiel - 1967 ) seront apportées par Selmer, en étroite collaboration avec Maurice André. Ce dernier sera conseiller artistique de la firme pendant 19 ans.

Présenté chez Selmer par Raymond Sabarich, Maurice André collabora donc
à la mise au point de ce nouveau modèle de trompette baroque (piccolo), en si bémol aigu.
 
 Michel Wykrykacz, superviseur chargé de la mise au point des prototypes de 1955
à 1978, se souvient  :

 “
Maurice André était extrêmement impliqué dans la fabrication, non seulement pour améliorer le son et l’ergonomie de l’instrument, mais parce que lui-même adorait bricoler chez lui et essayer de nouvelles choses. Ensemble, nous avons beaucoup travaillé sur les branches d’embouchure. Lorsqu’il arrivait le matin rue Myrrha et qu’il jouait quelques notes, nous étions tous impressionnés. C’était tout de suite parfait.”


On peut raisonnablement dire que, si Adolf Scherbaum a 
été un pr
écurseur pour le jeune Maurice André, c'est notre grand trompettiste d'Alès qui a développé le répertoire de trompette la piccolo, jouant cet instrument bien plus que la grande trompette.
Si le public connait 
Maurice André comme "trompettiste", le mélomane sait que ce grand artiste a été avant tout le maître de la trompette piccolo. A partir du concours de Munich, Maurice enregistre avec les plus grands chefs allemands : Böhm, Münchinger, Karajan et surtout le Münchener Bach-Chor du grand Karl Richter (série de tournées avec la Messe en Si). C'est bien entendu cette nouvelle "invention" - la trompette piccolo - qui  l'accompagnera dans cette redécouverte des oeuvres baroques. Si l'on considère la totalité des enregistrements du trompettiste, on se rendra compte que la trompette piccolo y occupe la toute première place, et on peut dire ainsi que c'est véritablement Maurice André qui est le pè
re de la trompette piccolo moderne. Il faut ici approfondir encore les choses et, pour cela, ouvrir une parenthèse quant à la trompette en général, vue sous l'angle historique.


TOURNEE EN ITALIE AVEC KARL RICHTER - 1964

En répétition avec Karl Richter - 1964

"Lorsque j'ai débuté, on commençait à peine à connaitre Telemann et Vivaldi..."  Maurice André

Si l'on excepte deux ou trois concerti, quelques oeuvres baroques et les parties orchestrales de Bach, il y avait, somme toute, bien peu de choses sérieuses à jouer à la grande trompette lorsque le jeune Maurice monta à Paris. La période classique avait laissé Haydn (fer de lance des concerti, car unique) et Hummel. Mozart, Beethoven, Schubert, Schumann, chose significative, n'écrivirent aucune oeuvre soliste pour la trompette. J'ai expliqué dans ce site (cf. Maurice André, le souffle de l'émotion) pour quelles raisons la trompette, du fait de son origine guerrière, ne jouissait pas de l'ampleur du répertoire dévolu, par exemple, au hautbois ou au violon. Le XIXème siècle - largement dominé par le piano - n'ayant donc pratiquement rien écrit pour la trompette solo, les compositeurs se limitant à des interventions orchestrales plus ou moins développées, on ne peut pas dire que, avant Adolf Scherbaum, la trompette ait joui d'un répertoire soliste important. Au début du XXème siècle, cet instrument tenait toujours un rôle orchestral ainsi qu'un petit rôle soliste (toujours assez martial, musicalement parlant) dans le cadre de la musique de kiosques. La grande trouvaille de Scherbaum fut d'utiliser un instrument capable de jouer le répertoire aigu des oeuvres baroques (registre dit clarino), dont celles de J.S Bach. Avec cette nouvelle trompette, la voie était ouverte. De plus, la tessiture de ce nouvel instrument se rapprochait de celle du hautbois, lequel avait, lui, un répertoire important. L'idée d'effectuer des transcriptions était née...

*

La fameuse petite trompette Sib d'Adolf Scherbaum (1909 -2000), conçue par Kurt Scherzer 

*(A noter le tube factice de cet instrument qui lui confère un air de ressemblance avec une grande trompette)

En concert, Scherbaum se rendit fameux en interprétant le Brandebourgeois (qu'il joua plus de 400 fois et enregistra 14 fois). Il enregistra aussi beaucoup de compositeurs baroques, comme en fait foi la liste de ses disques. Cependant, Scherbaum était né en 1909. Lorsque Maurice André remporta le décisif concours de Munich, en 1963, Scherbaum avait 54 ans, soit 24 ans de différence avec notre trompettiste

C'est donc le jeune Maurice André qui reprit le flambeau de la petite trompette baroque. 

*

Un secret du Maître : chercher la qualité dans la sonorité des attaques tout en
travaillant les intervalles.

 Maurice André avec le précurseur, Adolf Scherbaum 

Il appert que c'est Maurice André qui, par sa curiosité et son travail, poursuivit la construction d'un répertoire nouveau, ouvrant en cela une voie dans laquelle tous les trompettistes classiques devaient s'engager bientôt. Il fut ici un pionnier incomparable car il donna à ce nouvel instrument un répertoire propre, constitué essentiellement par des transcriptions et par la redécouverte d'oeuvres oubliées, car réputées  - du fait des limitations techniques de la grande trompette - injouables. Il eut aussi la chance de rester le seul, en France, à jouer cette petite trompette, laquelle laissait de marbre les autres trompettistes du temps (dont Francis Hardy, par exemple). Quant aux trompettistes américains, ils étaient déjà sous l'influence totale du jazz et ils ne savaient pas ce à quoi pouvait bien servir une petite trompette baroque. Il faut en outre mentionner ici le grand arrangeur Jean Thilde (Billaudot), sans qui ce nouveau répertoire pour la trompette piccolo n'existerait pas.

*


(MODELE 360B)

Si Adolf Scherbaum avait ouvert la voie, c'est bien Maurice André qui domina son siècle par sa maîtrise totale de ce nouvel instrument. Il relégua tous les autres trompettistes qui avaient pu prendre la trompette piccolo au second plan. Aujourd'hui encore, on cherchera en vain une perfection équivalente dans l'art de jouer cet instrument bien particulier.

Ainsi, ce n'est pas la grande trompette qui a constitué l'instrument de prédilection du Maître, c'est la trompette piccolo. C'est cet instrument - nouveau - qui lui a permis de se forger un répertoire à lui, donc de se forger une véritable identité. La trompette piccolo a donc bien été, pour Maurice André et selon ses propres mots, le "succès de sa vie". Cette instrument a été le vrai moyen qui lui a permis de donner forme à son génie interprétatif. 


J'ajoute que si Maurice André a fait de la piccolo l'instrument-phare de presque toute sa carrière, c'est aussi pour des raisons purement techniques. La trompette piccolo n'est pas une sorte de grande trompette qui jouerait dans l'aigu, loin s'en faut.  C'est un instrument à part entière.
Ainsi, d'un point de vue strictement professionnel, le concertiste ne saurait passer souvent de la 
trompette piccolo
 à la grande trompette sans difficultés, voire sans danger
Le jeu à la trompette piccolo requiert
une pression, une détaché et un phrasé bien particuliers. 
Le concertiste professionnel - 
Scherbaum en témoigne - ne peut dès lors que se spécialiser dans cet instrument,
sans quoi il ne pourrait atteindre, premièrement, à l'aisance nécessaire, deuxièmement à des résultats irréprochables 
techniquement, et troisièmement, à la musicalité. Et sans musicalité,
il ne peut y avoir d'émotion, donc de Musique.


*

(MODELE 360 BL)

*
*


Selmer Sib-La. 1960.
C'est un modèle semblable - type 360B - qui accompagna Maurice André 

durant plus de 10 années.

« La piccolo a amélioré bien des choses mais 

il faut quand même des lèvres en acier. » Maurice André


Voir ici le modèle en détails

Extraits MP3
Trompette piccolo Selmer 67 & Orgue (Marie-Claire ALAIN)

T.Albinoni. Sonate Remin/Dmin - Allegro

G-F Handel. Sonate en La/in A - Andante

G-F Handel. Sonate en Fa/in F - Allegro

T.Albinoni. Concerto en Fa/in F - Allegro

ERATO. 1969-1970

*

Scherbaum / André...

L'aigu fantastique de Scherbaum l'avait amené à se spécialiser dans le registre baroque (clarino), via une petite trompette spéciale dont Selmer allait s'inspirer. Adolf Scherbaum était, pour l'époque, un phénomène de l' aigu. Il suffit de l'écouter dans le périlleux concerto de Michael Haydn (il monte au contre-la). Pourtant, Scherbaum n'avait pas la finesse, l'élégance du jeu de Maurice André. Il n'avait pas non plus la grande rondeur de son de celui-ci. Le son de Scherbaum était-il dû à l'instrument qu'il jouait ? En partie. Il est indéniable que la trompette piccolo Scherzer de Scherbaum était trés rudimentaire (en comparaison de la Selmer 1967). Cet instrument devait poser de gros problèmes de justesse, en même temps que, si les aigus étaient facilités, les graves, eux, étaient trés pauvres en harmoniques. L'embouchure même de Scherbaum, trés relevée, ne pouvait que renforcer cette pauvreté des graves. Si, dans le Brandebourgeois, Scherbaum excellait par son aisance et son détaché admirables, là encore, Maurice André le dépassa par la musicalité inouïe qu'il mit dans ce concerto extrêmement difficile ainsi que dans toutes ses interprétations. Si Maurice a pu déclarer : "Scherbaum a été l’une de mes idoles" , il demeure que notre trompettiste français s'est rapidement démarqué de celui-là pour imposer son style.

Adolf Scherbaum a ouvert la voie mais il ne possédait ni la musicalité, ni le talent de Maurice André

C'est celui-ci qui a donc accompli l'oeuvre inaugurée par le trompettiste allemand.

*

 Ecouter  la Badinerie de la  2ème Suite orchestrale en Si mineur de J.S BACH
Maurice André - Trompette piccolo en LA. Arrangement de JM Defaye.
Une interprétation qui tient du miracle...

"Beaucoup de jeunes trompettistes possèdent la technique et le son mais ils manquent parfois de musicalité."

............................................................................................................................................................Maurice André

Le grand trompettiste a d'abord été un  musicien polyvalent
Il a progressivement abordé tous les répertoires : variété, baroque, classique, contemporain...
C'est par la découverte des ces divers répertoires que s'est formée sa musicalité.

*

Ecouter sur Youtube Maurice André jouant l'Aria - Mein gläubiges Herze - de la cantate Bwv 68. Trompette piccolo Selmer en Sib. 

Il faut admirer ici le détaché parfait dans les notes aiguës (contre-Fa - y compris la dernière note) et cette musicalité nonpareille qui fait de cet 

artiste l'un des plus grands génies de l'interprétation, au même titre que Jascha Heifetz ou Sviatoslav Richter .

*

La trompette piccolo : perspectives...

"La trompette est un instrument où l'on souffre en permanence. Pour jouer Bach ou les Baroques,
il faut une constitution physique trés solide. Cela je l'ai acquis à la Mine ou j'ai travaillé.
Le caractère également." 

                                                                                                                                        Maurice ANDRE

Marquée par ses origines liées au répertoire baroque, la trompette piccolo vit aujourd'hui, si j'ose dire, sur ses réserves. En effet, bien peu de compositeurs contemporains ont écrit des oeuvres uniquement pour cet instrument particulier.  Pas de sonates, pas de concerti dédiés à la trompette piccolo. Si quelques nouvelles transcriptions ont bien vu le jour, le répertoire ne s'est pas agrandi. Nous avons affaire, la plupart du temps, simplement à des passages écrits pour la piccolo. 
Le plus fameux de tous, pour le grand public, demeure celui de la chanson Penny Lane, des Beatles*
. On doit y adjoindre la "Badinerie", mouvement final de la suite en Si mineur de Bach BWV 1067, transcrite d'après la partie de flûte. Maurice André a interpreté cette Suite (trompette piccolo en La), d'une manière encore insurpassée, avec l'Orchestre de Chambre J-F Paillard.

Il faut souhaiter que les jeunes trompettistes, faisant preuve du même état d'esprit et de la même curiosité que Maurice André, demandent aux compositeurs du temps présent d'écrire pour la trompette piccolo. Car, il faut le répéter, cet instrument est bien plus qu'une trompette qui jouerait dans l'aigu, c'est un instrument nouveau. Si la trompette piccolo a été le moyen de redécouvrir des oeuvres oubliées, je suis persuadé qu'il ne s'agit là que d'une première étape, certes indispensable, mais que le répertoire originel devra être dépassé pour que cet instrument magique continue à vivre. 

* Note technique sur Penny Lane  : interprétée alors par Davis Mason, la partie piccolo de Penny Lane est en Si majeur et Mason la joua sur une piccolo en La (donc en Ré majeur). A noter que sur la vidéo en question, il joue d'abord avec sa trompette piccolo (sans doute une Schilke P5.4) le final du Brandebourgeois, accordé en Sib, alors qu'à la fin de la vidéo, il a modifé l'accord de sa trompette pour passer en La et interpréter ainsi Penny Lane...C'est ce même Brandebourgeois qui donna l'idée à Mc Cartney d'écrire ce célèbre passage pour la trompette piccolo.

Pour Maurice André, c’était la beauté du son qu'il fallait privilégier avant tout. La beauté du son et la musicalité.

*

Photo copyright : Winfried Mausolf

(MODELE SCHERZER A PALETTES)

Principales embouchures pour trompette piccolo



Embouchure de piccolo créée par mon ami trompettiste Rudi Stuber
(Université de Californie, Santa Barbara)

*

Diamètre de Perce des principaux modèles de trompettes piccolo de grande série

Embouchures utilisées par Maurice ANDRE pour la trompette piccolo

 Bach 7 DW
 Bach 7 DW
 
Pour les pi
èces aiguës (dont Brandebourgeois) -  Selmer 1
(Source : Louis Davidson)


Il faut préciser ici que Maurice n'a jamais été vraiment très préoccupé par l'aspect quipement" de son art : trompettes, embouchures, branches de ton spéciales...
Seul le travail journalier, les concerts et les enregistrements ont
fait progresser ce grand artiste. Sans oublier le donévidemment, ce mystère éternel.  

(Pour la grande trompette, il a joué pendant très longtemps une Bach 1 1/2 C mais en a fait aplatir les bords. Il a aussi mis au point,
avec Selmer, une embouchure dont le bord supérieur - d'appui - était un peu plus large.
Maurice andré insiste aussi sur le fait qu'un changement d'embouchure est dangereux.)

Il faut noter que, en matière d'échauffement, Maurice privilégie le travail des articulations, et cela parfois pendant des heures. 
Il conseille aussi un massage journalier de la lèvre supérieure (pas inférieure) le soir, avec du Dermophil
indien, afin que le muscle orbiculaire de la bouche soit reposé pour le lendemain. 

Tout ceci étant, la maîtrise et la musicalité ne relèvent pas d'une dimension matérielle. 

Ouvrage disponible aux Editions Tarnhelm

MA

                                                            Brass Bulletin. JP  Mathez

Ecouter sur Youtube Maurice - trompette piccolo en Sib - jouant une audacieuse transcription (en Fa) 
de l'allegro du concerto  pour clavecin BWV 1053 en Mi majeur.

"Il faut toujours essayer de travailler mezza voce,
comme le préconisait déjà Arban dans sa méthode." M.A

La technique d'échauffement propre à Maurice André :

(Srce. Brass Bulletin)

*

Albinoni - Vidéo

Grand admirateur de Marcel PROUST, j’ai trouvé dans  Sodome et Gomorrhe ce passage qui prouve 

que la trompette piccolo était déjà un instrument d’actualité au tout début du XXème siècle :

« Il y a des moments où, pour peindre complètement quelqu’un, il faudrait que l’imitation 

phonétique se joignît à la description, et celle du personnage que faisait M. de Charlus risque d’être incomplète

par le manque de ce petit rire si fin, si léger, comme certaines œuvres de Bach ne sont jamais rendue exactement 

parce que les orchestres manquent de ces « petites trompettes » au son si particulier, 

pour lesquelles l’auteur a écrit telle ou telle partie. »

"Lampe-Piccolo" 

*

Un ancien modèle rare et très intéressant de piccolo en Sib par Couesnon : la Monopole Conservatoire n°23897

Témoignage d'un art de l'innovation, aujourd'hui complètement disparu, Japon et Chine obligent, puisque guerre des prix. 

Les gens veulent des prix bas : on leur vend des instruments en rapport avec leur goût de l'économie.

On notera la branche d'entrée d'air qui rejoint directement la troisième chemise.

Le tube de soutien du pavillon est un tube factice.


*

Gottfried Reiche, tenant sa Tromba da caccia

Trompette piccolo et trompette naturelle



On le sait, le répertoire de la trompette naturelle, trompette baroque sans évents (trous), avec son registre aigu, appelé « clarino », est  l’ancêtre directe de la piccolo. Le grand pionnier de ce répertoire fut Gottfried Reiche (1667-1734), pour lequel BACH écrivit, dans ses cantates de Leipzig, la plupart de ces parties flamboyantes de première trompette. Reiche mourut d’ailleurs au lendemain d’un concert victime «d'une attaque, survenue au sortir d'un concert où il avait joué la cantate BWV 215, le 5 octobre 1734 » *. 

Sur le plan technique, et pour faire comprendre mieux les choses, la trompette naturelle est exactement semblable à une trompette de cavalerie ou encore à une trompe de chasse.  C’est un instrument qui joue sur les harmoniques d’un son fondamental. Plus vous montez la « gamme » (succession naturelle) des harmoniques – sons issus de ladite fondamentale -, plus vous disposez de notes. Ainsi, dans l’aigu, on peut jouer des mélodies : voilà le registre propre à cet instrument, dit registre « clarino ». 

C’est le mouvement anglais des « baroqueux » (en fait, initié par Antoine Geoffroy-Dechaume) qui, dans sa dynamique générale, a remis au goût du jour cet instrument depuis longtemps oublié. Il en fut de même, par exemple, pour la basse de viole (viole de gambe), instrument qui  était pourtant jadis bien plus célèbre que le violon, lequel était surtout un moyen de faire danser dans les foires. Renversement total de situation. Il pourra paraître un peu ironique de constater ce retour à des instruments qui, sur le plan de la facture instrumentale, sont bien archaïques en comparaison des nôtres. C’est un goût du temps et, de gustibus non est disputandum... du goût, il ne faut point discuter ! 

Maurice André, s'il eut connaissance de ce renouveau de la trompette naturelle, sembla trop impliqué avec la trompette piccolo pour s'engager dans une voie nouvelle et il est difficile de dire s'il se serait intéressé ou non à cet instrument (comme le fait aujourd’hui Alison Balsom – qui a senti, elle, le bon filon). Quoi qu'il en soit, nous avons, en France, le maître de la trompette naturelle, j'ai nommé : Jean-François Madeuf. Il est le grand représentant de la trompette baroque, la vraie ! Car, je l’ai déjà dit, la trompette naturelle n’a pas d’évents (ces trous qui permettent, bouchés ou non, de faire varier la colonne d’air, donc la hauteur des notes). Il y a d’autres trompettistes baroques connus, tel Edward Tarr (décédé en mars 2020) ou Friedemann Immer... Mais ils utilisent les évents pour obtenir plus facilement certaines notes... Jean-François Madeuf, non. Et voilà le grand tour de force de notre temps : 
« Chapeaux bas, messieurs ! », comme disait Schumann, parlant de Chopin. 

En écoutant le maître Jean-François Madeuf, nous sommes en prise directe avec Gottfried Reiche... Ni plus, ni moins. 

Ceci n’est pas rien.


* Extrait du roman : « L’Empereur de Messina », de Renato Cippù.


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