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I - Partitions pour Trompette
II - Modèles de Trompettes piccolo
III - Maurice André et la Trompette Piccolo
I
II |
III |
Maurice André et la Trompette Piccolo
" C'est le succès de ma vie... "
Maurice André
*
Maurice André,
le père de la trompette piccolo
par Jan LEONTSKY
*
Il
est inconcevable de ne pas aborder le thème de la trompette
piccolo
lorsqu'il s'agit de parler du génie
interprétatif de Maurice André.
Ce dernier
a en effet qualifié de "succès
de sa vie" la mise en avant de cette petite
trompette.
En répétition avec Karl Richter - 1964
"Lorsque j'ai débuté, on commençait à peine à connaitre Telemann et Vivaldi..." Maurice André
Si l'on excepte deux ou trois concerti, quelques oeuvres baroques et les parties orchestrales de Bach, il y avait, somme toute, bien peu de choses sérieuses à jouer à la grande trompette lorsque le jeune Maurice monta à Paris. La période classique avait laissé Haydn (fer de lance des concerti, car unique) et Hummel. Mozart, Beethoven, Schubert, Schumann, chose significative, n'écrivirent aucune oeuvre soliste pour la trompette. J'ai expliqué dans ce site (cf. Maurice André, le souffle de l'émotion) pour quelles raisons la trompette, du fait de son origine guerrière, ne jouissait pas de l'ampleur du répertoire dévolu, par exemple, au hautbois ou au violon. Le XIXème siècle - largement dominé par le piano - n'ayant donc pratiquement rien écrit pour la trompette solo, les compositeurs se limitant à des interventions orchestrales plus ou moins développées, on ne peut pas dire que, avant Adolf Scherbaum, la trompette ait joui d'un répertoire soliste important. Au début du XXème siècle, cet instrument tenait toujours un rôle orchestral ainsi qu'un petit rôle soliste (toujours assez martial, musicalement parlant) dans le cadre de la musique de kiosques. La grande trouvaille de Scherbaum fut d'utiliser un instrument capable de jouer le répertoire aigu des oeuvres baroques (registre dit clarino), dont celles de J.S Bach. Avec cette nouvelle trompette, la voie était ouverte. De plus, la tessiture de ce nouvel instrument se rapprochait de celle du hautbois, lequel avait, lui, un répertoire important. L'idée d'effectuer des transcriptions était née...
*
La fameuse petite trompette Sib d'Adolf Scherbaum (1909 -2000), conçue par Kurt Scherzer
*(A noter le tube factice de cet instrument qui lui confère un air de ressemblance avec une grande trompette)
En concert, Scherbaum se rendit fameux en interprétant le Brandebourgeois (qu'il joua plus de 400 fois et enregistra 14 fois). Il enregistra aussi beaucoup de compositeurs baroques, comme en fait foi la liste de ses disques. Cependant, Scherbaum était né en 1909. Lorsque Maurice André remporta le décisif concours de Munich, en 1963, Scherbaum avait 54 ans, soit 24 ans de différence avec notre trompettiste.
C'est donc le jeune Maurice André qui reprit le flambeau de la petite trompette baroque.
*
Un secret du Maître : chercher la qualité dans la sonorité des attaques tout en
travaillant les intervalles.
Maurice André avec le précurseur, Adolf Scherbaum
Il appert que c'est Maurice André qui, par sa curiosité et son travail, poursuivit la construction d'un répertoire nouveau, ouvrant en cela une voie dans laquelle tous les trompettistes classiques devaient s'engager bientôt. Il fut ici un pionnier incomparable car il donna à ce nouvel instrument un répertoire propre, constitué essentiellement par des transcriptions et par la redécouverte d'oeuvres oubliées, car réputées - du fait des limitations techniques de la grande trompette - injouables. Il eut aussi la chance de rester le seul, en France, à jouer cette petite trompette, laquelle laissait de marbre les autres trompettistes du temps (dont Francis Hardy, par exemple). Quant aux trompettistes américains, ils étaient déjà sous l'influence totale du jazz et ils ne savaient pas ce à quoi pouvait bien servir une petite trompette baroque. Il faut en outre mentionner ici le grand arrangeur Jean Thilde (Billaudot), sans qui ce nouveau répertoire pour la trompette piccolo n'existerait pas.
*
(MODELE 360B)
Si Adolf Scherbaum avait ouvert la voie, c'est bien Maurice André qui domina son siècle par sa maîtrise totale de ce nouvel instrument. Il relégua tous les autres trompettistes qui avaient pu prendre la trompette piccolo au second plan. Aujourd'hui encore, on cherchera en vain une perfection équivalente dans l'art de jouer cet instrument bien particulier.
Ainsi, ce n'est pas la grande trompette qui a constitué l'instrument de prédilection du Maître, c'est la trompette piccolo. C'est cet instrument - nouveau - qui lui a permis de se forger un répertoire à lui, donc de se forger une véritable identité. La trompette piccolo a donc bien été, pour Maurice André et selon ses propres mots, le "succès de sa vie". Cette instrument a été le vrai moyen qui lui a permis de donner forme à son génie interprétatif.
J'ajoute que si Maurice
André a fait de la piccolo l'instrument-phare de presque
toute sa carrière, c'est
aussi pour des raisons purement techniques. La trompette piccolo n'est
pas une sorte de grande trompette qui jouerait dans l'aigu, loin s'en
faut. C'est un instrument à
part entière.
Ainsi, d'un point de vue strictement professionnel,
le concertiste ne saurait passer souvent de la
trompette piccolo à
la grande trompette sans difficultés, voire sans danger.
Le jeu à la trompette piccolo requiert une pression, une
détaché et un phrasé bien
particuliers.
Le concertiste professionnel - Scherbaum en témoigne - ne peut dès lors que se spécialiser
dans cet instrument,
sans quoi il ne pourrait atteindre,
premièrement, à l'aisance nécessaire, deuxièmement
à
des
résultats irréprochables
techniquement, et troisièmement, à la
musicalité. Et sans
musicalité, il
ne peut y avoir d'émotion, donc de Musique.
*
(MODELE 360 BL)
*
*
durant plus de 10 années. « La piccolo a amélioré bien des choses mais il faut quand même des lèvres en acier. » Maurice André |
Extraits MP3 T.Albinoni. Sonate Remin/Dmin - Allegro G-F Handel. Sonate en La/in A - Andante G-F Handel. Sonate en Fa/in F - Allegro T.Albinoni. Concerto en Fa/in F - Allegro
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*
Scherbaum / André...
L'aigu fantastique de Scherbaum l'avait amené à se spécialiser dans le registre baroque (clarino), via une petite trompette spéciale dont Selmer allait s'inspirer. Adolf Scherbaum était, pour l'époque, un phénomène de l' aigu. Il suffit de l'écouter dans le périlleux concerto de Michael Haydn (il monte au contre-la). Pourtant, Scherbaum n'avait pas la finesse, l'élégance du jeu de Maurice André. Il n'avait pas non plus la grande rondeur de son de celui-ci. Le son de Scherbaum était-il dû à l'instrument qu'il jouait ? En partie. Il est indéniable que la trompette piccolo Scherzer de Scherbaum était trés rudimentaire (en comparaison de la Selmer 1967). Cet instrument devait poser de gros problèmes de justesse, en même temps que, si les aigus étaient facilités, les graves, eux, étaient trés pauvres en harmoniques. L'embouchure même de Scherbaum, trés relevée, ne pouvait que renforcer cette pauvreté des graves. Si, dans le Brandebourgeois, Scherbaum excellait par son aisance et son détaché admirables, là encore, Maurice André le dépassa par la musicalité inouïe qu'il mit dans ce concerto extrêmement difficile ainsi que dans toutes ses interprétations. Si Maurice a pu déclarer : "Scherbaum a été l’une de mes idoles" , il demeure que notre trompettiste français s'est rapidement démarqué de celui-là pour imposer son style.
Adolf Scherbaum a ouvert la voie mais il ne possédait ni la musicalité, ni le talent de Maurice André.
C'est celui-ci qui a donc accompli l'oeuvre inaugurée par le trompettiste allemand.
*
Ecouter la
Badinerie de la 2ème Suite orchestrale en Si
mineur de J.S BACH
Maurice
André - Trompette piccolo en LA. Arrangement de JM Defaye.
Une
interprétation qui tient du miracle...
............................................................................................................................................................Maurice André
Le
grand trompettiste a d'abord été un musicien polyvalent.
Il
a progressivement abordé tous les répertoires :
variété, baroque, classique, contemporain...
C'est
par la découverte des ces divers répertoires que
s'est formée sa
musicalité.
*
Ecouter sur Youtube Maurice André jouant l'Aria - Mein gläubiges Herze - de la cantate Bwv 68. Trompette piccolo Selmer en Sib.
Il faut admirer ici le détaché parfait dans les notes aiguës (contre-Fa - y compris la dernière note) et cette musicalité nonpareille qui fait de cet
artiste l'un des plus grands génies de l'interprétation, au même titre que Jascha Heifetz ou Sviatoslav Richter .
*
La trompette piccolo : perspectives...
"La
trompette est un instrument où l'on souffre en permanence.
Pour jouer Bach ou les Baroques,
il
faut une constitution physique trés solide. Cela je l'ai
acquis à la Mine ou j'ai travaillé.
Le
caractère également."
Maurice ANDRE
Marquée par ses
origines liées
au répertoire
baroque,
la trompette piccolo vit aujourd'hui, si j'ose dire, sur ses réserves. En
effet, bien peu de compositeurs contemporains ont écrit des oeuvres uniquement pour cet
instrument particulier. Pas de sonates, pas de concerti dédiés
à la
trompette piccolo. Si quelques nouvelles transcriptions ont bien vu le
jour, le répertoire ne s'est pas
agrandi. Nous avons affaire, la plupart du
temps, simplement à des passages écrits pour la
piccolo.
Le plus fameux de tous, pour le grand public, demeure celui de la
chanson Penny Lane, des Beatles*.
On doit y adjoindre la "Badinerie", mouvement final de la suite en Si
mineur de Bach BWV 1067, transcrite d'après la partie de
flûte. Maurice André a interpreté cette Suite
(trompette piccolo en La), d'une manière encore insurpassée, avec
l'Orchestre de Chambre J-F Paillard.
Il faut souhaiter que les jeunes trompettistes, faisant preuve du même état d'esprit et de la même curiosité que Maurice André, demandent aux compositeurs du temps présent d'écrire pour la trompette piccolo. Car, il faut le répéter, cet instrument est bien plus qu'une trompette qui jouerait dans l'aigu, c'est un instrument nouveau. Si la trompette piccolo a été le moyen de redécouvrir des oeuvres oubliées, je suis persuadé qu'il ne s'agit là que d'une première étape, certes indispensable, mais que le répertoire originel devra être dépassé pour que cet instrument magique continue à vivre.
* Note technique sur Penny Lane : interprétée alors par Davis Mason, la partie piccolo de Penny Lane est en Si majeur et Mason la joua sur une piccolo en La (donc en Ré majeur). A noter que sur la vidéo en question, il joue d'abord avec sa trompette piccolo (sans doute une Schilke P5.4) le final du Brandebourgeois, accordé en Sib, alors qu'à la fin de la vidéo, il a modifé l'accord de sa trompette pour passer en La et interpréter ainsi Penny Lane...C'est ce même Brandebourgeois qui donna l'idée à Mc Cartney d'écrire ce célèbre passage pour la trompette piccolo.
*
(MODELE SCHERZER A PALETTES)
Principales embouchures pour
trompette piccolo
Embouchure de
piccolo créée
par mon ami trompettiste Rudi Stuber
(Université de Californie,
Santa Barbara)
*
Diamètre de
Perce
des principaux modèles de trompettes piccolo de grande
série
Embouchures utilisées par Maurice ANDRE pour la
trompette piccolo
Bach 7 DW
Bach 7 DW
Pour les pièces aiguës (dont
Brandebourgeois) - Selmer 1
(Source : Louis Davidson)
Il faut préciser ici que Maurice n'a
jamais été vraiment très préoccupé par l'aspect "équipement" de son art : trompettes, embouchures,
branches de ton spéciales...
Seul le travail journalier, les concerts et les enregistrements ont fait progresser ce grand artiste. Sans oublier le don, évidemment, ce mystère éternel.
(Pour
la grande trompette, il a joué pendant très longtemps une
Bach 1 1/2 C mais en a fait aplatir les bords. Il a aussi mis au point,
avec Selmer, une embouchure dont le bord supérieur - d'appui - était un peu plus large.
Maurice andré insiste aussi sur le fait qu'un changement d'embouchure est dangereux.)
Il faut noter que, en matière d'échauffement, Maurice privilégie le travail des articulations, et cela parfois pendant des heures.
Il conseille aussi un massage journalier de la lèvre supérieure (pas inférieure) le soir, avec du Dermophil
indien, afin que le muscle orbiculaire de la bouche soit reposé pour le lendemain.
Tout ceci étant, la maîtrise et la musicalité ne relèvent pas d'une dimension matérielle.
Ouvrage disponible aux Editions Tarnhelm
MA
Brass Bulletin. JP Mathez
Ecouter
sur Youtube Maurice - trompette piccolo en Sib - jouant une audacieuse
transcription (en Fa)
de
l'allegro du concerto pour clavecin BWV 1053 en Mi majeur.
"Il faut toujours essayer de travailler mezza voce,
comme le préconisait déjà Arban dans sa méthode." M.A
La technique d'échauffement propre à Maurice André :
(Srce. Brass Bulletin)
*
Albinoni - Vidéo
Grand admirateur de Marcel PROUST, j’ai trouvé dans Sodome et Gomorrhe ce passage qui prouve
que la trompette piccolo était déjà un instrument d’actualité au tout début du XXème siècle :
« Il y a des moments où, pour peindre complètement quelqu’un, il faudrait que l’imitation
phonétique se joignît à la description, et celle du personnage que faisait M. de Charlus risque d’être incomplète
par le manque de ce petit rire si fin, si léger, comme certaines œuvres de Bach ne sont jamais rendue exactement
parce que les orchestres manquent de ces « petites trompettes » au son si particulier,
pour lesquelles l’auteur a écrit telle ou telle partie. »
"Lampe-Piccolo"
*
Un ancien modèle rare et très intéressant de piccolo en Sib par Couesnon : la Monopole Conservatoire n°23897
Témoignage d'un art de l'innovation, aujourd'hui complètement disparu, Japon et Chine obligent, puisque guerre des prix.
Les gens veulent des prix bas : on leur vend des instruments en rapport avec leur goût de l'économie.
On notera la branche d'entrée d'air qui rejoint directement la troisième chemise.
Le tube de soutien du pavillon est un tube factice.
*
Gottfried Reiche, tenant sa Tromba da caccia
Trompette piccolo et trompette naturelle
On le sait, le répertoire de la trompette naturelle, trompette
baroque sans évents (trous), avec son registre aigu,
appelé « clarino », est l’ancêtre
directe de la piccolo. Le grand pionnier de ce répertoire fut
Gottfried Reiche (1667-1734), pour lequel BACH écrivit, dans ses
cantates de Leipzig, la plupart de ces parties flamboyantes de
première trompette. Reiche mourut d’ailleurs au lendemain
d’un concert victime «d'une attaque, survenue au sortir
d'un concert où il avait joué la cantate BWV 215, le 5
octobre 1734 » *.
Sur le plan technique, et pour faire comprendre mieux les choses, la trompette naturelle est exactement semblable à une trompette de cavalerie ou encore à une trompe de chasse. C’est un instrument qui joue sur les harmoniques d’un son fondamental. Plus vous montez la « gamme » (succession naturelle) des harmoniques – sons issus de ladite fondamentale -, plus vous disposez de notes. Ainsi, dans l’aigu, on peut jouer des mélodies : voilà le registre propre à cet instrument, dit registre « clarino ».
C’est le mouvement anglais des « baroqueux » (en fait, initié par Antoine Geoffroy-Dechaume) qui, dans sa dynamique générale, a remis au goût du jour cet instrument depuis longtemps oublié. Il en fut de même, par exemple, pour la basse de viole (viole de gambe), instrument qui était pourtant jadis bien plus célèbre que le violon, lequel était surtout un moyen de faire danser dans les foires. Renversement total de situation. Il pourra paraître un peu ironique de constater ce retour à des instruments qui, sur le plan de la facture instrumentale, sont bien archaïques en comparaison des nôtres. C’est un goût du temps et, de gustibus non est disputandum... du goût, il ne faut point discuter !
Maurice
André, s'il eut connaissance de ce renouveau de la trompette
naturelle, sembla trop impliqué avec la trompette piccolo pour
s'engager dans une voie nouvelle et il est difficile de dire s'il se
serait
intéressé ou non à cet instrument (comme le
fait
aujourd’hui Alison Balsom – qui a senti, elle, le bon
filon). Quoi qu'il en soit, nous avons, en France, le maître de
la
trompette naturelle, j'ai nommé : Jean-François Madeuf. Il est le grand représentant de la trompette baroque, la vraie ! Car, je l’ai
déjà dit, la trompette naturelle n’a pas
d’évents (ces trous qui permettent, bouchés ou non,
de faire varier la colonne d’air, donc la hauteur des notes). Il
y a d’autres trompettistes baroques connus, tel Edward Tarr
(décédé en mars 2020) ou Friedemann Immer... Mais
ils utilisent les évents pour obtenir plus facilement certaines notes... Jean-François Madeuf, non. Et voilà le grand
tour de force de notre temps :
« Chapeaux bas, messieurs !
», comme disait Schumann, parlant de Chopin.
En écoutant le maître Jean-François Madeuf, nous sommes en prise directe avec Gottfried Reiche... Ni plus, ni moins.
Ceci n’est pas rien.